Symbole de résistance à l’oppression, poème d’amour à la portée universelle, Liberté a été écrit par Paul Eluard en 1942 sous l’Occupation nazie. Les Éditions de Minuit viennent de publier une édition typographique du poème, accompagnée d’une notice inédite qui retrace son histoire.
Un poème clandestin
Le 3 avril 1942, Liberté, est publié, sans visa de censure, dans le recueil clandestin Poésie et vérité.
Ce poème, qui ouvre le recueil, incarne un message de lutte et d’espoir dans une France occupée et divisée.
Il est repris en juin 1942 par la revue Fontaine sous son titre initial, Une seule pensée, qui permettait une diffusion dans la zone sud, puis en septembre 1942, par la revue La France Libre. En avril 1943, c’est dans le numéro 4 de la Revue du Monde Libre que le poème est inséré. La revue, éditée et imprimée en Angleterre, est parachutée sur le sol français, entre 1943 et 1944, par les aviateurs de la Royal Air Force. 150.000 exemplaires seront largués.
De poème d’amour à hymne de la résistance
Mobilisé pendant la Première Guerre mondiale, puis au début de la Seconde, Paul Éluard, traumatisé par les horreurs de 14-18, devient un ardent défenseur de la paix. Pourtant, lorsqu’il écrit ce poème pendant l’été 1941 dans Paris occupé, c’est avant tout pour une femme : Nusch, sa compagne, artiste et muse du groupe surréaliste (notamment de Man Ray, pour lequel elle sera le célèbre sujet d’une série de photos de nus). C’était son nom qui devait initialement figurer à la fin du poème.
Je pensais révéler pour conclure le nom de la femme que j’aimais, à qui ce poème était destiné. Mais je me suis vite aperçu que le seul mot que j’avais en tête était le mot Liberté. Ainsi, la femme que j’aimais incarnait un désir plus grand qu’elle. Je la confondais avec mon aspiration la plus sublime, et ce mot Liberté n’était lui-même dans tout mon poème que pour éterniser une très simple volonté, très quotidienne, très appliquée, celle de se libérer de l’Occupant. L’idée de liberté, cette idée indispensable, est un idéal sans borne et, sur son chemin, chacun des pas que nous faisons doit être une libération.
Paul Éluard transforme le poème en une valeur commune avec une portée universelle. C’est ce qui donne sa force à Liberté. Ces mots d’amour, devenus hymne de la Résistance, ont fait d’Éluard, à la Libération, une figure du poète résistant.
Un poème qui traverse les générations
Appris par des générations d’écoliers, Liberté a éclipsé les autres poèmes d’Éluard.
La puissance de ce poème lui vaut de nombreuses adaptations et reprises, en chanson, en dessin, en fresque…
Ci-dessus : le poème-objet illustré par Fernand Léger, en 1953, d’après le poème Liberté de Paul Eluard.
Liberté, où comment un poème d’amour s’est métamorphosé en un instrument de résistance contre l’oppression, devenant une ode à la liberté et inspirant les luttes.
